Un français sur deux a du mal à naviguer dans le système de santé

Les français ont été interrogés en 2020-2021, à propos de leur capacité à repérer, comprendre et utiliser les informations en santé délivrées par un professionnel ou sur internet, ce qu’on appelle la littératie en santé. L’étude internationale Health literacy survey France, réalisée en 2020-2021 montre que plus de la moitié des français ont des difficultés pour se renseigner sur leurs droits, pour se défendre si les soins qu’ils reçoivent ne répondent pas à leurs besoins, ou pour savoir dans quelle mesure l’assurance maladie rembourse leurs soins.

AUTEURS DE L’ÉTUDE

.Touzani R, Allaire C, Schultz E, Ousseine Y, Dembélé E, Rigal L, Vandentorren S, Guillemin F, Rouquette A, Mancini J.
Littératie en santé : rapport de l’étude Health Literacy Survey France 2020-2021. Saint-Maurice :

En France, cette étude a bénéficié de la participation de Santé publique France et du SESSTIM. 16 autres nations y ont participé. 2003 adultes métropolitains âgés de 18 à 75 ans ont été sondés en mai 2020 puis janvier 2021.

La France a participé pour la première fois en 2020-2021 à une enquête sur la littératie en santé des adultes, concept introduit assez récemment en France. La littératie en santé désigne les compétences nécessaires pour repérer, comprendre et évaluer les informations sur la santé, délivrées par les professionnels de santé eux-mêmes ou maintenant par internet. En effet, la parole du médecin ou du pharmacien n’est pas toujours entendue et/ou comprise. Quant aux campagnes de prévention relatives à la consommation d’alcool, de tabac, à l’activité physique et à la nutrition, elles ont souvent du mal à atteindre leur cible. Enfin, les nombreux dispositifs numériques en santé aujourd’hui proposés ne sont pas toujours utilisables par le plus grand nombre.

L’enquête - Health literacy survey France, réalisée en 2020-2021 permet de mesurer pour la première fois la situation des français dans ce domaine. Elle comprend plusieurs volets relatifs à la navigation, la communication interactive, au numérique et à la recherche clinique.

Dans le volet de navigation de l’enquête, plus de la moitié des français déclarent avoir des difficultés « pour se renseigner sur (leurs) droits en tant que patient ou utilisateur du système de santé ». Cette proportion atteint 68 % quand il s’agit de se « défendre si les soins que vous recevez ne répondent pas à vos besoins ». Ça ne va pas mieux du côté de la sécurité sociale avec un français sur deux qui déclare avoir des difficultés pour « savoir dans quelle mesure l’assurance-maladie prend en charge les coûts de certaines prestations ? (par exemple : si ces prestations sont intégralement ou partiellement prises… ».

Dans cette étude internationale, les français apparaissent plus en difficulté que les citoyens des autres pays pour chacun des items dits de navigation. Par exemple quand il s’agit de « trouver le bon interlocuteur pour vos besoins au sein d'un établissement de santé ? (par exemple : dans un hôpital) ? », 52 % des français se trouvent en difficulté, soit 10 points de plus que dans la moyenne européenne.

Cette nouvelle approche questionne le fonctionnement de notre système de santé dans son ensemble. Car notre pays dispose de ressources importantes en matière de défense des intérêts et de représentation des usagers, ce que l’on a l’habitude d’appeler ‘la démocratie sanitaire ». Depuis une vingtaine d’années, la représentation des usagers s’est considérablement renforcée, aux différents échelons de décision nationaux (Conseil national de santé), régionaux (Conseil régional de santé et d’autonomie) et locaux (Conseil territorial en santé). Une « commission des usagers » est chargée de recueillir dans chaque établissement de santé, les « plaintes » des patients. Ces différentes instances sont chargées de veiller au respect des droits des usagers, mais il semble qu’elles soient peu connues des français (aucune enquête n’a été effectuée jusqu’à présent pour mesurer leur audience). Au plan national, les associations d’usagers sont regroupées au sein de France Assos santé, mais son action d’information du public apparait fortement symbolique avec seulement 8 600 sollicitations en 2022 pour l’ensemble de la France (Rapport d’activité 2022 p.40).

Les auteurs de l’étude Health literacy survey rappellent qu’il s’agit d’une première enquête de ce type en France, et que ces résultats doivent être consolidés c’est-à-dire renouvelés dans le temps pour s’assurer de leur représentativité. L’enquête ne concerne que les 18-75 ans, ayant accepté de renseigner un questionnaire numérique assez long ; les scores de littératie réels sont sans doute plus mauvais que ceux qui ont été obtenus dans cette enquête, l’échantillon de population n’étant pas forcément représentatif de la population française dans son ensemble, affirment les auteurs de l’étude.

Un faible score en matière de littératie numérique

Le système de santé, comme bien d’autres secteurs économiques, a basculé dans le numérique et les individus doivent s’approprier de nouvelles modalités d’échanges et de partage de l’information, que ce soit la prise de rendez-vous, la téléconsultation, les applications de e-santé, l’utilisation de Mon espace santé... Par ailleurs, une énorme quantité d'informations sur la santé, via différents canaux, avec des émetteurs variés, allant des services publics à des sources individuelles sur les réseaux sociaux sont également disponibles sur internet. Beaucoup de personnes sont très à l’aise avec ces outils, qu’ils utilisent avec aisance. Mais il y a aussi une proportion importante de la population qui n’est pas dans ce cas.

Parmi les participants à l’enquête, 52% sont considérés comme ayant un niveau inadéquat et 19,8% un niveau problématique de LS numérique. Seuls 28,1% ont un niveau de LS numérique adéquat. À titre d’exemple ; quand il s’agit de déterminer si des intérêts commerciaux se cachent derrière les informations proposées, de juger de la fiabilité des données en ligne, de déterminer si les informations pertinentes s’appliquent à notre cas, une large majorité de français se trouvent en difficulté.

Ces réponses concernent évidemment uniquement des personnes familières avec le numérique, puisque le recueil des données s’est effectué… en ligne, sur la base du volontariat. Cet échantillon surestime sans doute les compétences des français dans ce domaine !

Une forte confiance envers les médecins mais…

L’enquête aborde également les questions de communication avec les médecins. L’enquête témoigne d’une forte confiance envers les médecins… notamment en comparaison avec les journalistes ou les politiques. En effet, 26,2 % des répondants ont très confiance envers les médecins, et 66,4 % plus tôt confiance. Les responsables politiques et les journalistes souffrent quant à eux d’un déficit de confiance considérable, avec respectivement 16,5 % et 26,3 de citoyens confiants. Une situation bien connue des sociétés de sondage, dans un pays où les citoyens n’ont pas confiance dans leurs institutions.

Quant au déroulement de la consultation médicale proprement dit, 74 % des français peuvent facilement « exprimer (leurs) opinions et préférences personnelles (par exemple concernant un traitement ou un examen) à votre médecin ? ». Une proportion là encore inférieure à celle que l’on peut observer dans les autres pays enquêtés (82 %). Les trois quart des français déclarent par ailleurs avoir assez de temps lors de la consultation avec (leur) médecin ? » Pour cet item, la situation de notre pays est plus favorable qu’à l’étranger.

François Tuffreau, publié le 8 juin 2024



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